CONTREPÈTERIES

Nom féminin (de l'anc. fr. contrepeter, imiter par dérision). Inversion plaisante de lettres ou de syllabes dans un groupe de mots, créant une nouvelle expression généralement grivoise ou obscène. Exemple : pisser dans la glycine pour glisser dans la piscine.

Voici ce que nous apprend le Larousse sur la contrepèterie. Mais plus concrètement, c'est l'art de décaler les sons que l'on débite avec la bouche !
Cet art difficile et quasi exclusivement français, il semble bien que ce soit Rabelais qui l'ait inventé ou en tout cas adapté du latin. À cette époque, au XVe siècle, on appelait ces jeux de mots des antistrophes.

Quelques règles et un peu de technique avancée :

  • Une contrepèterie se doit d'être vulgaire, grivoise, et à tout le moins inconvenante. Dans le cas contraire, on parle volontiers de contrepèterie de salon. Exemple : le saint nectaire ; un champ de coton.
  • Un sous-cas particulier de la contrepèterie de salon est la contrepèterie belge. Ici, ni grivoiserie, ni expression vraiment nouvelle : il fait chaud et beau ; ça passe ou ça casse.
  • Quand on est un amateur éclairé doublé d'une personne bien élevée, on ne donne jamais la solution d'une contrepèterie. Débrouillez-vous !
  • Pour être valable, la contrepèterie utilise des inversions phonétiques et non visuelles. Ainsi, Monsieur Antoine Pinay était un fameux faiseur de baisses est visuellement correcte lorsqu'on inverse les lettres, mais pas en ce qui concerne la sonorité des syllabes (car faiseur se prononce feuseur). En résumé, la contrepèterie est orale.

Cette courte vidéo résume assez bien la philosophie du contrepet :

Il ne pas faut pas confondre la contrepèterie avec :

  • le kakemphaton, qui est un jeu de mots involontaire résultant de la rencontre de sons au cours d'une phrase.
    "Je suis romaine hélas, puisque mon époux l'est" (Horace, Corneille).
    La fermière tricote pendant que son mari laboure
  •  le calembour, qui est un jeu de mots parfaitement volontaire, destiné à faire rire en téléscopant des sonorités ambigües avec le sens de mots.
    "La même ardeur me brule et le désir s'accroit quand l'effet se recule" - Polyeucte, I,1, Corneille
    "Les Ibères sont rudes" - Astérix en Hispanie, Goscinny et Uderzo
    "Les hémorroïdes, ça sort du corps en saignant
    "Je suis heureux de vous montrer Montcuq à la télévision" - Daniel Prévost dans l'émission Le Petit Rapporteur. A ce sujet, voir l'article que nous avons consacré aux calembours toponymiques.
  • le lapsus consiste, que ce soit en parlant (lapsus linguae) ou en écrivant (lapsus calami ou lapsus clavis, pour ceux qui se servent d'un clavier d'ordinateur), à substituer involontairement à un terme attendu un autre mot, souvent phonétiquement très proche. Alors que la contrepèterie est parfaitement volontaire et ne substitue que des lettres ou des syllabes.
    Il y a bien évidemment une grande proximité entre le deux. Luc Etienne, le grand spécialiste du contrepet, disait d'ailleurs : "Le contrepet est l'enfant naturel du lapsus". Les hommes et femmes politiques sont traditionnellement de grands pourvoyeurs de lapsus : nous y avons consacré un article sur notre blog.
    "Il y a le fichier des empreintes génitales et le fichier des empreintes génétiques" - Brice Hortefeux, 17/10/2010
    "Quand je vois certains qui réclament une rentabilité à 20-25 %, avec une fellation quasi nulle" - Rachida Dati, 5/09/2010
    "Les méthodes alternatives, c’est comme pour le gaz de shit" - Roselyne Bachelot, 3/12/2012

Quelques contrepèteries remarquables :

  • Immatriculez cet empoté !
  • Il a le choix dans la date
  • Le linge sèche en mouillant les cordes (2 inversions)
  • La philanthropie de l'ouvrier charpentier (inversions multiples)
  • La cuvette est pleine de bouillon
  • J'aime vachement votre frangin
  • Le sauvage a retrouvé son clan dans la grotte
  • L'abeille coule
  • Personne n'est jamais assez fort pour ce calcul
  • Mammouth écrase les prix (Coluche)
  • J'ai du tracas jusqu'au cou
  • J'aime le son dans ce clip
  • Devine, si tu peux !
  • Alors que les athées se battent, les abbés se taisent
  • Face aux Nippons, la Chine se redresse
  • Elle aime les belles frites avec des moules grosses comme des belons (2 inversions)
  • Cet avocat pratique le pénal à Nice
  • Il nous brouille l'écoute avec sa panne de micro (2 inversions)
  • Et pour finir : Mots fléchés ! (si, si, il y a bien une contrepèterie)

Et pour les vœux de nouvelle année :

  • Elles décorent les vœux et des piles de boites
  • Les Grecs présentent des vœux de mauvais Hellènes, les Chinois préfèrent des voeux bien laqués
  • Ces vœux sentent la caque
  • Ça, sans moquer, ce sont de vrais vœux !
  • Criez vos vœux !

Quelques liens vers des sites consacrés à l'art du contrepet :

Et pour finir, en forme de synthèse, une chanson toute en contrepèteries...avec les solutions (dans l'émission Le Petit Bouvard illustré, en 1986) :

VIRELANGUES

Nom masculin. Locution ou phrase à caractère ludique, contenant des syllabes phonétiquement proches, pouvant servir d'exercice d'élocution. En effet, l'exercice consiste à prononcer la phrase très vite sans se tromper, au risque d'être poussé à la faute et d'inverser les sons ou les syllabes...pour former involontairement une contrepèterie ou un calembour ! Bien souvent, un virelangue est basé sur le principe de l'allitération.

Voici un certain nombre de virelangues (ou fourchelangues) parmi les plus connus :

  • Les chaussettes de l'archiduchesse sont-elles sèches, archisèches ?
  • Un chasseur sachant chasser sait chasser sans son chien
  • L'abeille coule
  • Pruneau cuit, pruneau cru
  • Si six scies scient six saucissons, six cent six scies scient six cent six saucissons
  • La pipe au papa du Pape Pie pue (Jacques Prévert)

L'humoriste Raymond Devos fit un usage fréquent des allitérations dans ses sketchs, dont certains ne sont qu'un immense virelangue, du début à la fin :

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